Je suis Elsa Cayat…et tous les autres

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 Dans Le Monde du 9 janvier, des portraits des sept dessinateurs et chroniqueurs de CHARLIE HEBDO assassinés ce 6 janvier par des tueurs fanatiques. Nous pleurons ces hommes libres et généreux, courageux jusqu’au bout dans leurs pieds de nez à la bêtise humaine…et inhumaine.

Sur deux pleines pages, et ce n’est que justice, hommage est rendu à Cabu et Wolinski; sur les suivantes, portraits de Charb et Tignous, et notre cœur se serre encore, puis Bernard Maris et Honoré, et déjà les larmes coulent…

Mais où est Elsa?… Sous le portrait de Michel Renaud, et sur une seule petite colonne à droite, sans photo, un portrait discret d’Elsa Cayat, chroniqueuse de « Divan »et collaboratrice de CHARLIE, la seule femme assassinée dans l’attentat contre CHARLIE (certains disent « parce qu’elle était juive? »)…

Juste au dessus de Mustapha Ourrad, correcteur, à coté de Frédéric Boisseau, agent d’entretien, de Franck Brinsolaro, brigadier, d’Ahmed Merabet, gardien de la paix…

Elsa Cayat… Une femme, impertinente bien sûr, et pertinente toujours, qui a payé de sa vie son engagement pour lutter contre l’intolérance et l’exclusion sous toutes ses formes. Une femme, alors que les médias parfois oublient de la mentionner car elle était si minoritaire dans cette affreuse longue liste de personnalités emblématiques masculines, qui de leur vivant n’ont jamais été pris au sérieux (et d’ailleurs ils ne le voulaient pas..) alors que leur engagement à tous pour la tolérance et la liberté était on ne peut plus incarné, et on prend aujourd’hui douloureusement conscience!

Hommage ici à Elsa Cayat … Hommages déjà rendus dans ELLE bien sûr car lectorat majoritairement féminin, mais aussi dans L’Humanité, Libération, La Croix et bien d’autres, qui tous racontent la vivacité, la vitalité, la rabelaisienne truculence de cette psychanalyste accoucheuse de sens et de vie. Essayiste talentueuse aussi, Elsa Cayat passait au crible de son regard acéré des sujets essentiels et souvent polémiques sur le couple, le désir, la sexualité, mais aussi sur la prostitution, les procréations médicalement assistées, le désir d’enfant des couples de même sexe…

Parmi ses écrits: « Un homme+une femme=quoi? » Petite Bibliothèque Payot, 2007; « Le désir et la putain. les enjeux cachés de la sexualité masculine » Albin Michel, 2007; parmi les questions posées dans ce petit guide: «Pourquoi le sexe est-il si important pour les humains ? Quels sont les enjeux symboliques de la pénétration ? Les mots sont-ils des objets sexuels ? L’argent est-il aphrodisiaque ? Quels sont les ressorts inconscients de l’amour ? La mère est-elle une prostituée qui s’ignore ?»

Elle a également participé à un ouvrage collectif« La maitrise de la vie. les procréations médicalement assistées interrogent l’éthique et le droit » Eres, 2012.

Dans L’Humanité du vendredi 9 janvier, Rosa Moussaoui écrit :

« Fin ­décembre, dans Charlie, Elsa Cayat parlait du « palpitant de la pensée », en convoquant Walter Benjamin et Jacques Lacan. Elle concluait ainsi : « La connaissance de l’inconscient montre quelque chose de difficilement réalisable, l’autonomie et la puissance de vie en nous, l’existence d’une pensée qui nous transcende, qui concerne notre vibration singulière, mais aussi, au-delà de nous, l’universalité de ­l’esprit. »

Elsa avait une hauteur d’esprit aussi vertigineuse que celle de ses talons, une culture et une humanité (et oui ça peut être compatible!) impressionnantes et revigorantes, racontent ses patients.

Eric Reignier, l’un d’eux, interviewé dans La Croix, la rend encore plus vivante en imaginant qu’au moment de l’irruption des tueurs,elle a dû refuser de se coucher, qu’elle a dû regarder l’homme qui la menaçait de son arme et qu’elle lui a crié « mais quel connard ce mec! »…

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