« Elles »…et Eux?

A l’heure des polémiques et des débats au sujet du retour bénéfique ou non des maisons closes, de l’abolition de la prostitution et de la pénalisation des clients,  « Elles »  le film de Malgorzata Szumowska, arrive à point nommé pour soulever un certain nombre de vagues !

Petite vague de la masturbation féminine, si rarement évoquée, encore moins montrée dans son mouvement de …vagues…

Vagues soulevées par ces étudiantes, qui pourraient être nos filles, sœurs ou femmes, et qui deviennent « escorts girls », terme nettement plus joli et plus soft que prostituée, pour ne pas dire putain…

Vagues de la polémique : une femme qui vend des services sexuels en ayant fait ce choix –mais est-ce bien un vrai choix ?-est-elle libre de le faire, sans pour autant être mise au ban de la bonne société et traitée de « sale pute », cette même bonne société qui versus masculin consomme  jusqu’à l’addiction, et versus féminin se demande bien ce que les hommes peuvent y trouver hormis une décharge physiologique …

Pourquoi le mot « sale pute » constitue-t’il encore aujourd’hui une insulte, numéro un des hits parade dans le vocabulaire des jeunes, de plus en plus tôt d’ailleurs…

Pourquoi fantasmes et désirs que la morale réprouve ne peuvent-ils exister dans le couple, et qu’est-ce qui pousse les hommes à négocier ainsi des services sexuels?…

Et d’abord, que racontent « Elles » ?
Trois histoires de femmes, dans la rencontre improbable entre deux étudiantes qui se prostituent  « occasionnellement »  et une journaliste en quête d’elle-même, aux détours d’une enquête sur une nouvelle forme de prostitution : celle des étudiantes. Certes il existe quelques clichés, une étudiante est polonaise et s’est vue refuser un logement, l’autre souffre de son milieu familial modeste et de son habitat HLM…Le profil d’une femme quarantenaire, cadre et sans besoin urgent d’argent, aurait-il pu constituer un autre angle d’approche ? Et si c’était un homme qui se prostituait, qui seraient les clients?Anne, la journaliste va, au fil de son enquête, y laisser quelques certitudes. Une  fascination, ainsi qu’une véritable empathie,  vont s’exercer, de même que le déplacement des repères habituels de l’intellectuelle, vers un questionnement qui va venir toucher le sens de sa vie de couple, de sa vie de femme, jusque dans sa sexualité.

Film courageux, avec une Juliette Binoche à nu, qui accepte de donner à voir les marques du temps, les doutes, les failles, les mouvements qui agitent son esprit, son cœur et son corps. Sa volonté de comprendre, au-delà des clichés et des préjugés, à savoir : le choix de ces jeunes femmes en est-il vraiment un, le mensonge est-il supportable, l’argent facile est-il un piège, et pour finir, est-ce si simple d’arrêter ?

Et « Eux » là-dedans ? Tour à tour romantiques et obcènes, qui racontent leurs faiblesses à des escort-girls étonnamment mûres tant dans leur fonction érotique que dans leur posture professionnelle, qui  réalisent des fantasmes que leurs épouses trop sages ou trop absentes ne peuvent ou veulent comprendre, qui parfois vivent dans un désert affectif et sexuel. Qui sont prêts à payer pour des scènes hard ou complètement décalées, qui parfois tournent à la séance psy…

Vous me direz peut-être : ils n’ont qu’à avoir le courage de divorcer avant, ou s’ils sont seuls d’aller sur un site de rencontre « gratuit », où le consentement et l’égalité sont normalement  la règle…

La morale continue, insidieusement, à modeler les représentations. Une femme qui ose dire que le sexe l’amuse serait-elle une « salope », alors que pour un homme l’indulgence est de mise?…Qu’en pensez-vous,ö lecteurs lectrices qui me lisez ici?…

Il est bien évident que toute femme, et tout homme également, aux jeux de l’amour,  ou du libertinage, se doivent d’être consentants, et que le consentement est  la condition nécessaire (mais pas toujours suffisante) aux conduites et aux choix dans les comportements érotiques et/ou sexuels.

La différence, et elle n’est pas anodine, est la notion d’argent dans le commerce sexuel. Souvent amalgamé à la prostitution forcée dans des réseaux mafieux aberrants qu’il faut à tout prix combattre et dénoncer !

Ce sujet occasionne des débats entre abolitionistes et anti, débat repris par les associations défendant les droits des personnes avec handicap et le droit à avoir recours à des assistants sexuels. Par ailleurs des associations, telles le mouvement du Nid, militent pour une égalité hommes/femmes qui passerait aussi par l’abolition de la prostitution.

Comment se faire une opinion, comment militer à la fois pour le droit des femmes au respect et à l’égalité et respecter la position de certains ou certaines, sans idéalisation, sans extrêmisme non plus?

Vaste sujet, complexe il est vrai, cette chronique ne pouvant être qu’une amorce à des discussions ouvertes et riches en échanges…respectueux les uns des autres !

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